En introduction à L’art, l’éclair de l’être, paru en 1993, Maldiney consacre un texte à un article d’Oskar Becker initialement publié en 1929 et traduit et annoté en 1986 par Jacques Colette dans le n° 9 de la revue Philosophie. Le titre de l’article de Becker est : « La fragilité du beau et la nature aventurière de l’artiste. Une recherche ontologique dans le champ des phénomènes esthétiques ». La traduction française est précédée d’un article de Colette intitulé « une phénoménologie à double foyer », d’où Maldiney tire une citation extraite d’un article de Lukacs paru en 1917 sous le titre « Die Subjekt-Objekt Beziehung in der Aesthetik ».
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– Bruno Besana: Intercession, condition, brouillage : l’œuvre d’art à l’époque de l’ontologie de l’événement
Il est ici question de trois mots – intercession, condition, brouillage : ces mots ont en commun le fait d’articuler – quoi que de manière différente – le rapport entre œuvres d’art et livres de philosophie. Encore plus, ces mots se situent au croisement entre le ton cristallin de l’ontologie et le ton plus visqueux de l’esthétique, en nous disant quelque chose quant aux positions réciproques et aux éventuelles interférences entre ces configurations de la pensée. Or, il se trouve qu’aux croisements entre ontologie et esthétique – prise au sens très classique de gnoseologia inferior, de discours portant sur les choses sensibles – on retrouve souvent le concept d’événement (soit ce dernier, comme c’est le cas chez Deleuze, l’épiphanie des chocs entre singularités hétérogènes, soit il, comme c’est le cas chez Alain Badiou, la rare marque disparaissante de l’apparaître paradoxal d’un excès). Etant donnés ces rapports et ces rencontres, nous essayerons de voir dans cet article en quel sens il serait question aujourd’hui de penser le rapport entre livres de philosophie et œuvres d’art sous le double angle d’une ontologie esthétique, et d’une pensée de l’événement.
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– Guillaume Sibertin-Blanc: L’instinct de mort dans la schizoanalyse de Deleuze et Guattari
Gilles Deleuze est souvent identifié comme un philosophe de la vie. Se plaçant dans une lignée souterraine passant notamment par Spinoza et Nietzsche, il n’a pas manqué de qualifier lui-même sa pensée de « vitaliste »1. Bien plus, il a proposé un critère d’un tel vitalisme, critère indissociablement spéculatif, éthique, et critique : la thèse spéculative de « l’affirmation pure » (tout ce qui est n’est que par affirmation, l’être est puissance d’affirmation différentielle), l’exigence éthique correspondante d’une culture de la « joie » (qui ne se confond ni avec le plaisir comme principe ni avec l’impossible de la jouissance, mais qui, en un sens spinoziste, est signe affectif d’une augmentation de la puissance d’affirmation), le refus qui en découle de toute valorisation, qu’elle soit théorique ou pratique, de la « négativité », dont le risque de la mort ou l’être pour la mort fournirait l’épreuve extrême de la conscience de soi et le modèle spéculatif de sa dialectique. Mais la question ne peut pourtant être évitée : que devient la mort dans une philosophie de la vie ? Cette question prend même une singulière urgence face au constat troublant d’une omniprésence du thème de la pulsion de mort dans l’œuvre de Deleuze2. Que devient donc la mort dans une théorie du désir qui prétend s’adosser à une telle position spéculative de l’affirmation pure, et à l’affirmation métapsychologique correspondante du caractère purement productif du désir ? Et d’un point de vue pratique, éthique et clinique, quelle place et quelle figure peut prendre la mort dans un processus analytique du désir ignorant toute négativité et tout manque ? Sans une confrontation à une telle question, on craint fort que l’affirmation de vitalisme se réduise à n’être que l’expression sublimée d’un fantasme de toute-puissance, ou du « sentiment océanique » qu’évoque Freud au sujet du nouveau-né ! À refuser la négativité (fût-ce pour en redoubler la négation), une philosophie de la vie comme philosophie de l’affirmation pure risque de n’apparaître finalement que comme le symptôme d’une dénégation plus profonde.
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– Ralf Krause et Marc Rölli – Les associations micropolitiques
On peut fort bien contester que les interventions de Deleuze et Guattari autour du concept de micropolitique constituent un apport substantiel à la théorie politique moderne. Aux tentatives de rattacher l’arsenal conceptuel de l’Anti-OEdipe et de Mille Plateaux au canon des théories de la société et de la démocratie post-marxistes, on peut opposer d’autres appréciations qui, accentuant les traits anarchistes et dissolvants de la micropolitique, lui dénient toute importance politico-sociale. C’est pourquoi il importe, dans un premier temps, de chercher en quelque sorte à déterminer la position de la pensée micropolitique. Puis nous nous occuperons de la question de savoir si Deleuze et Guattari, à travers leur concept d’agencement, parviennent à développer des modes d’association et des modes d’action virtuels en dehors des agencements de pouvoir. Enfin, nous discuterons du potentiel critique de la micropolitique en la confrontant au dispositif de la biotechnologie […].
– Keith Ansell Pearson: Germinal Life – The Difference and Repetition of Deleuze (Excerpt)
It is Bergson who defines the task of philosophy as one of learning to think beyond the human condition. What exactly is the meaning of this ‘beyond’? Deleuze configures the task as follows: ‘To open us up to the inhuman and the superhuman (durations which are inferior or superior to our own), to go beyond the human condition: This is the meaning of philosophy, in so far as our condition condemns us to live among badly analyzed composites, and to be badly analyzed composites ourselves’ (Deleuze 1966: 19; 1988: 28). Why are we caught up in the investigation of badly analyzed composites and why are we those ourselves? What does it mean to be open to other durations?
– Rosi Braidotti – The Ethics of Becoming Imperceptible
In this essay I will explore the eco-philosophical aspects of the ethics of becoming,
with reference to the project of nomadic subjectivity and sustainability. The urge that
prompts this investigation is not only abstract, but also very practical. Nomadic
philosophy mobilizes one’s affectivity and enacts the desire for in-depth
transformations in the status of the kind of subjects we have become. Such in-depth
changes, however, are at best demanding and at worst painful processes. My political
generation, that of the baby-boomers, has had to come to terms with this harsh reality,
which put a check on the intense and often fatal impatience that characterizes those
who yearn for change.
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